Licenciement sans cause réelle et sérieuse : confirmation du "barème Macron"
- Écrit par Henri Rius
- Publié dans Actualités sociales
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L'ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations du travail a encadré dans un barème, pour la première fois en France, les dommages et intérêts dû par suite d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Au-delà du tumulte causé par l'ordonnance, certaines juridictions du fond ont, par la suite, refusé d'appliquer ledit barème.
La Cour de cassation vient de les "recadrer" et d'en confirmer définitivement la validité.
Jusqu'au 23 septembre 2017, les juges du fond fixaient librement les indemnités de licenciement sans cause réelle ou sérieuse (autrement nommé "licenciement abusif").
Les indemnités jusque là accordées, imprévisibles, souvent dépourvues de sens et excessives, très disparates géographiquement, appelaient à une révision fondée sur le réalisme économique et une uniformisation favorable à l'égalité de traitement dans l'ensemble du territoire national.
En effet et par exemple, comment imposer à une petite entreprise commerciale ou artisanale, la plupart du temps pourvue d'une faible trésorerie, le versement brusque de 25 000, 40 000 euros voire plus, outre les frais de procédure, sans l'acculer à la faillite ? Avec, souvent, pour conséquence funeste la destruction de tous les (autres) emplois de telles entreprises ?
Cela, dans biens des cas du simple fait d'une malfaçon, d'une erreur purement formelle, dans la conduite de la procédure (complexe) d'un licenciement par ailleurs fondé sur de réelles fautes...
Moins exposées financièrement et juridiquement (car disposant de services "RH" compétents), les grandes entreprises se trouvaient dépourvues de toute visibilité face à des indemnités parfois mirobolantes(1).
L'équité et le bon sens (économique) imposait de "mettre bon ordre" dans ces pratiques.
D'où l'ordonnance précitée fixant un barème comportant minima et maxima selon l'ancienneté et la taille de l'entreprise.
Évidemment décriée par les syndicats et salariés, la mesure l'a été aussi par les avocats (...) et certaines juridictions qui sont entrés en "résistance", refusant d'appliquer le barème(2).
L'offensive contre le barème
La contestation s'est d'abord fondée sur la convention n°158 de l’OIT, s’appuyaient sur l’article 10 de cette convention qui prévoit qu’en cas de licenciement injustifié, le juge doit pouvoir ordonner le versement d’une indemnité adéquate au salarié. Les juges du fond ont ensuite tenté de justifier les débordements par la nécessité d'apprécier l'indemnité in concreto, au cas par cas. Puis en invoquant l’article 24 de la charte sociale européenne qui prévoit que les Etats s’engagent à reconnaitre « le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ».
La Cour de cassation s’était déjà prononcée par deux avis rendus le 17 juillet 2019 aux termes desquels elle considérait que le barème prévoyait effectivement « une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée » en cas de licenciement injustifié.
Bien que non contraignants, ces avis annoncaient clairement la position de la Cour de cassation, ce qui aurait dû conduire les juridictions (et plaideurs) à cesser tout excès et éviter la sanction de la haute juridiction, mais tel ne fut pas le cas.
Les arrêts de la Cour de cassation du 11 mai 2022
Il suffisait donc d'attendre les premiers pourvois pour mettre un terme à la fronde.
C'est maintenant chose faite avec les deux premiers arrêts de la Cour de cassation en date du 11 mai 2022 (arrêt Mutuelle Pleyel et arrêt Société FSM).
De nouveaux arrêts viendront certainement consolider cette jurisprudence du fait des affaires encore en cours à ce jour.
Mais le fait est maintenant acuis : le barème de l'Ordonnance n° 2017-1387, 22 sept. 2017, ratifiée par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ne pourra plus être éludé.
Un camouflet pour les avocats du SAF et d'Avosial
Déclaré conforme en droit interne (Conseil Constitutionnel, n°2018-761 DC du 21 mars 2018), le barème a fait ensuite l'objet d'assauts fondé sur le droit international comme relaté plus haut.
Assauts largement initiés et soutenus par de nombreux avocats, y compris ceux des plaideurs parties aux deux arrêts du 11 mai, mais aussi collectivement par le SAF (Syndicat des Avocats de France) et Avosial (Syndicat d'avocats d'entreprise en droit social), ces derniers ayant, en outre, prétendu être admis à l'intervention volontaire devant la Cour de cassation (Selon les articles 327 et 330 du code de procédure civile, les interventions volontaires ne sont admises devant la Cour de cassation que si elles sont formées à titre accessoire, à l'appui des prétentions d'une partie et ne sont recevables que si leur auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.).
Las ! Non seulement les arguements tirés du droit international n'ont pas prospéré, ce qui était largement prévisible, mais le SAF et Avosial se sont vus déclarés irrecevables dans leur demande d'intervention volontaire car... ne justifiant pas d'un [tel] intérêt dans le cadre de ces deux litiges tranchés par la Cour.
La Cour ne s'est certainement pas trompée sur la nature de l'intérêt en question... et de la hauteur des compétences affichées.
Henri Rius
(1) Comme dans le cas d'une certaine journaliste ayant perçu 1 million d'euros après moins de 2 ans de présence et un salaire mensuel de... 10 000 €.
(2) Une trentaine au mois de mars 2021 selon Maître Michèle Bauer (lien)